Transhumanisme, singularité, extropie et téléchargement de l’esprit, "immortalité"
"Kenneth Hayworth est un brillant ingénieur dont les travaux
ont un impact certain sur le projet connectome visant à
cartographier le réseau de neurones du cerveau humain. Quand
il envisage de devenir immortel en assurer la conservation de
son cerveau, il n’est pas fou. Mais quand il explique comment
un téléchargement de l’esprit va le ressusciter, il peut
paraître stupide...
Transhumanisme, singularité, extropie et téléchargement de
l’esprit, ces mots ne disent probablement rien à beaucoup, un
paradoxe étonnant alors que nous sommes au pays de Descartes.
Mais ne vous y trompez pas ! Pour Larry Page, l’un des deux
fondateurs de Google et Peter Thiel, qui a contribué au
financement de Facebook et a été le cofondateur de PayPal
(compagnie qui a permis à Elon Musk de faire fortune et de se
lancer dans la course à l’espace avec SpaceX), ces mots ont
des significations bien concrètes.
Page et Thiel sont en effet des sympathisants affichés des
idées transhumanistes. Ils font partie des mécènes de la
Singularity University fondée par Raymond Kurzweil et Peter
Diamandis, l’homme qui se propose de catalyser l’exploitation
des astéroïdes. On pourrait citer d’autres noms célèbres,
comme Jaan Tallinn, l’un des créateurs de Skype, qui
n’hésitent pas à se rattacher au transhumanisme ou montrent
leur sympathie pour l’idée de la singularité technologique.
Mais qu'est-ce que le transhumanisme, la singularité
technologique ?
Les transhumanistes, les héritiers de Descartes
Pour comprendre ce dont il s’agit, il est certainement utile
de lire le texte de Max Moore, pour le transhumanisme, et
celui de Eliezer Yudkowsky. Sans aucun doute, si Descartes et
même Platon étaient parmi nous, ils se sentiraient en
résonance avec ces idéaux. L’un des thèmes centraux est qu’il
doit être possible d’utiliser la science et la technologie
pour prolonger l’évolution et dépasser les limites physiques
et mentales de la condition humaine. La contrainte la plus
évidente et la plus insupportable étant le vieillissement
suivi de la mort.
« La condition humaine m'énerve. Nous avons une durée de vie
très courte. Les gens qui pensent que "mourir c’est
simplement la condition humaine. Nous devons l’accepter" sont
peut-être forts. Mais je ne suis pas comme eux. » Cette
déclaration, en phase avec le sentiment des transhumanistes,
est de Kenneth Hayworth, un ingénieur travaillant dans le
domaine des neurosciences et dont on parle beaucoup en ce
moment.
Et pour cause, dans une interview donnée au journal The
Chronicle, le chercheur envisage son esprit incorporé dans
une enveloppe cybernétique libre des contraintes biologiques,
dans 100 ans.
Les étapes de l'immortalité posthumaine selon Kenneth
Hayworth
Hayworth commencerait son voyage vers l’immortalité et un
état posthumain par une fête en compagnie de sa famille,
c'est-à-dire sa femme et ses enfants, et d'amis.
En effet, son raisonnement pour atteindre l’immortalité
repose sur deux piliers.
Premièrement que le cerveau humain est une variante très
complexe des ordinateurs actuels mais qu’il reste néanmoins,
au bout du compte, une machine de Turing. En gardant cette
analogie, les constituants d'une personne, sa conscience et
son individualité, seraient son connectome, c'est-à-dire tous
les détails du câblage de neurones dans le cerveau. Souvenirs
et algorithmes de traitements de l’information à la racine de
l’esprit d’une personne se trouveraient uniquement dans ce
câblage.
Le second pilier est que, pour assurer l’immortalité d’une
personne, il faut trouver un moyen de conserver ce
connectome, qui serait l’équivalent du génome, jusqu’à ce que
des ordinateurs suffisamment puissants permettent de simuler
complètement un cerveau donné à partir de ce connectome.
Pour cela, il est nécessaire d'en posséder une connaissance
presque complète. Il faut donc cartographier, avec une
résolution spatiale suffisante, le plan complet des
connexions neuronales d'un cerveau. Bien évidemment aussi,
l'opération qui consisterait en quelque sorte à « geler »
l’activité d’un cerveau autrement qu’en le plongeant dans un
bain d’azote liquide (comme proposent de le faire les
partisans de la cryonique depuis des décennies mais avec une
efficacité douteuse) a d'autant plus de sens qu'elle se fait
lorsque le cerveau est en bon état et n'a donc pas subi les
détériorations de la vieillesse.
Le pari de Hayworth est donc logique : quitte à mourir,
autant tenter cette expérience et pour cela prendre les
devants en se suicidant jeune.
Mais comment avoir accès à ce connectome avec la précision
nécessaire ?
Le projet du connectome humain
C’est là que Hayworth a fait une percée spectaculaire voici
quelques années, en mettant au point une technique
automatisée de découpage d’un cerveau à l'aide d'un
microtome. Avec une lame diamantée, les microtomes découpent
en tranches ultrafines un échantillon biologique, pour
l’observer au microscope.
Le procédé automatisé de Kenneth Hayworth a attiré
l’attention d’un chercheur de Harvard travaillant sur le
projet du connectome humain (The Human Connectome Project),
financé par l'Institut national de la santé des États-Unis.
Il s’agit de l’équivalent du projet génome mais il consiste à
faire de la connectomique, c'est-à-dire justement
cartographier précisément le câblage du cerveau. L’espoir est
d’y trouver des clés de son fonctionnement qui permettront de
mettre au point des traitements efficaces pour lutter contre,
par exemple, la maladie d’Alzheimer. Citons également un
autre projet, différent, mais ayant les mêmes buts : le
Humain Brain Project.
Jeff Lichtman a demandé de l'aide à Kenneth Hayworth en le
faisant venir à Harvard. Une technique d'automatisation est
en effet encore plus nécessaire que pour le projet génome. Un
connectome optimal serait la cartographie précise des
connexions de chaque neurone, ce qui requiert la collection
d'une quantité volumineuse de données. Un cerveau humain, en
effet, contient au moins 1010 neurones liés par 1014
connexions synaptiques. Par comparaison, le nombre de paires
de bases dans un génome humain est de 3x109.
Des résultats étonnants ont été obtenus dans la
reconstitution sur ordinateur d'images 3D de portions de
connectome chez une souris, comme le montre la vidéo de
Nature ci-dessus. D'autres images encore plus
impressionnantes peuvent être vues dans une vidéo de
présentation des recherches de l'équipe d'Harvard. Les
chercheurs observent pour cela des coupes de cerveau épaisses
de seulement 30 nm avec un microscope électronique.
Avec tous ces éléments présents à l’esprit, on peut bien
comprendre à quoi se résume le projet de Kenneth Hayworth.
Sa thèse de base, qu’il soutient dans un article publié dans
International Journal of Machine Consciousness, est commune à
bien des partisans de conscience artificielle. La conscience
émerge quand un ensemble d’algorithmes appropriés tournent
sur une machine à la capacité de calcul suffisamment
puissante. Les algorithmes et les données mémorielles d’une
personne sont sous la forme de son connectome, c'est-à-dire
sous la forme du câblage des cellules.
--
Immortalité et avatar version russe
Les métaux lourds injectés avec la résine servent à assurer
l’obtention des images du connectome avec un microscope
électronique à partir d’une découpe en tranches du cerveau au
moyen de la technique inventée par Hayworth. Dans le futur,
les connectomes du cerveau et de la moelle épinière sont
recréés virtuellement sur un ordinateur inséré dans un robot
humanoïde plus parfait et résistant qu’un corps humain. Pour
Kenneth Hayworth, son esprit se retrouve ainsi téléchargé
dans un corps robotisé et il ressuscite au XXIIe siècle.
https://www.youtube.com/watch?v=j1p0_R8ZLB0
Le transhumanisme et l'idée du téléchargement de la
conscience sont dans l'air du temps. Dans cette bande annonce
du film The Prototype, on fait directement référence à la
singularité et à Raymond Kurzweil. Il semble que l'histoire
soit celle d'un brillant chercheur du MIT, travaillant pour
l'armée afin de construire un robot soldat, qui finit par
télécharger son esprit dans le robot, sentant sa mort venir à
cause d'une tumeur au cerveau. © movieclipsTRAILERS, YouTube
Kenneth Hayworth et les transhumanistes anglo-saxons sont
loin d’être les seuls à réfléchir sur l’idée d’un
téléchargement de conscience dans un système informatique, ou
un avatar robotisé. On retrouve maintenant des projets en ce
sens en Russie. L’un des plus médiatiques en ce moment est le
projet Russia 2045 lancé par un jeune entrepreneur, Dmitry
Itskov, qui a organisé à Moscou en février 2012 un colloque
sur le sujet en compagnie de spécialistes en neurosciences et
robotiques russes. Ray Kurzweil et d’autres représentants du
transhumanisme anglo-saxon étaient présents. Il existe une
longue tradition philosophique et scientifique en Russie sur
des idées similaires à celles du transhumanisme : le Cosmisme
russe. Son représentant le plus célèbre n'est autre que le
père de l'astronautique, Constantin Tsiolkovski.
Mais que penser au final des idées de Kenneth Hayworth ?
Tout en louant ses qualités de chercheurs et l’importance des
recherches portant sur l’investigation du connectome
auxquelles il participe, le moins que l’on puisse dire est
que la majorité de ses collègues sont plus que sceptiques. Et
on les comprend. Il n’y a pas besoin d’avoir un doctorat en
neurosciences pour cela, pas plus que de soutenir avec Roger
Penrose que la conscience est un processus quantique qu’une
machine de Turing ne peut reproduire. Le raisonnement final
de Hayworth est tout simplement absurde.
En effet, même en imaginant que son hypothèse sur les
relations entre le connectome et l’apparition de la
conscience soit exacte, on doit en conclure que plusieurs
simulations du même connectome sur ordinateur donneraient
plusieurs Kenneth Hayworth. On voit clairement que l'on est
en présence de copies, l’original serait lui bel et bien
mort. D’aucune façon il n’y aurait eu un téléchargement de
conscience ou un esprit qui ressuscite, il n’y aurait
d'immortalité que pour les copies.
Aux dernières nouvelles, Hayworth a tenté d’obtenir, sans
succès, des financements de Thiel et Diamandis, il semble ne
pas comprendre le scepticisme et même l’indifférence polie de
beaucoup de ses collègues pour son projet d’immortalité..."
transfert quantique de conscience était possible sans que
cela soit une copie ( je ne retrouve plus le texte.. )
Le vrai challenge, c'est le transfert de conscience. ... d'être transféré dans un ordinateur ou robot pour continuer à m'exprimer,
" you feel like teen spirit" nirvana
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